Docteur Jacques Parier - Médecin du sport à Paris

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Épaule du joueur de tennis professionnel 11 05 2006

 

L’épaule est l’articulation la plus mobile du corps humain. Dans le tennis moderne le service prends une importance prépondérante. Les positions extrêmes  abduction rotation externe à l’armé, la violence à l’impact de la balle (phase d’accélération en rotation interne) enfin la fin du geste rotation interne forcée  sont des facteurs qui déstabilisent  l’épaule. Le rôle des structures capsulo-ligamentaires, musculaires, articulaires, neurologiques  et osseuses  dans la stabilité de la tête humérale dans la cavité glénoïde  ouvrent un débat (non terminé)  sur la pathologie  développée par ces épaules.

L’objectif de cet  article est de présenter les particularités propres à cette population sur 3 caractères :

–   Étude épidémiologique des motifs de douleurs de l’épaule.

–   Particularités du bilan   clinique de l’épaule.

–  Étude  de la  force musculaire   de l’épaule

.

      Étude Épidémiologie des motifs de douleurs de l’épaule :

Sur les 5 dernières années de surveillance des internationaux de Roland Garros le motif de consultation pour l’épaule représente 13%.

 

La pathologie tendineuse est la plus fréquente sus et sous épineux surtout           63%

La pathologie articulaire                                                                                         15%

La pathologie  neurologique                                                                                   12%

La pathologie musculaire                                                                                         5%

Sans diagnostic                                                                                                         5%

La pathologie tendineuse est la plus fréquente.

L’utilisation de l’échographie systématique (JL BRASSEUR) depuis plusieurs années retrouve une pathologie fréquente (souvent  asymptomatique) : la lésion intra articulaire du sus épineux  souvent à la  limite infra spinatus  qui siège  à l’enthèse sur le trochiter. Ce type de lésion apparaît très jeune .Il semble que à l’occasion d’un  évènement ,( surcharge , atteinte neurologique , changement de matériel )  l’épaule se déstabilise pour devenir douloureuse : instabilité , épanchement dans la bourse sous deltoïdienne , douleur a la contraction isométrique du sus épineux et sous épineux parfois une  atteinte neurologique est associée ou précède la douleur ?.

Cette atteinte des fibres tendineuse intra articulaire peut être un début de mauvaise adaptation à l’effort.

Particularités de l’examen clinique de l’épaule du joueur de haut niveau:

L’inspection :

 L’inspection du sportif, de dos,  évalue la position de la scapula  au repos et en dynamique  lors de l’élévation antérieure complète des deux bras

Le rôle de la scapula est central pour un bon fonctionnement de l’épaule notamment au service : c’est la pièce maîtresse,   le socle du service

–   elle stabilise la tête humérale dans la cavité glénoïde  pendant toute la durée du service  aidant  à une bonne congruence.

–  elle effectue autour du gril costal un mouvement combiné d’abduction – adduction et de sonnette.

 

Dans le mouvement d’élévation antérieur il est intéressant de suivre le mouvement de la scapula autour du gril costal et  de détecter un décollement autour de 90° d’élévation antérieur. Dans l’examen clinique  les exercices de fatigabilité du muscle Long Serratus permettent éventuellement de détecter une insuffisance de celui-ci. La littérature anglo-saxonne et Nord américaine  mentionne  peu les atteintes neurologiques du nerf de Charles Bell  pourtant fréquentes chez nos joueurs professionnels avec une répercussion sur le fonctionnement de cette scapula.

 

BEN KIBLER ( 7 )   définit trois types de position au repos de la scapula :

 

Le type 1  Rebord inféro médial proéminent de la scapula.

Le type 2  Décollement de tout le rebord médial de la scapula

Le type 3  Décollement  du rebord supéro médial  et dyskinésie de la scapula.

 

Actuellement tous les auteurs s’accordent sur l’importance de ce socle et propose des exercices de stabilisation en prévention de la pathologie de l’épaule. Le travail des fixateurs de la scapula est un élément essentiel de la prévention de la pathologie de l’épaule. Nous réalisons un programme codifié sur celle-ci manuel que les joueurs doivent réaliser   trois à quatre fois par semaine.

 

  La mobilité  de l’articulation gléno humérale :

La mobilité de l’articulation glénohumérale est très étudiée ces dernières années chez le joueur de tennis de haut niveau.

 

Le schéma articulaire du joueur de tennis professionnel est le suivant

 

–  Diminution de la rotation interne

–  Augmentation de la rotation externe

–  Diminution de la rotation globale de l’épaule du joueur de tennis.

 

Même si la position de mesure des mobilités est définie clairement  cette mesure  est délicate et la reproductibilité du test difficile  comme le prouve les chiffres publiés :

 

Kibler (1)  teste 39 joueurs de tennis trouve  22°.8 de différence  pour des professionnels qui jouent depuis plus de 9 ans. ,

 Ellenbecker (4)  teste 117 joueurs Juniors  retrouve  10°  environ de différence.

Le GIRD (déficit de rotation interne gléno huméral)  de BEN KIBLER est une altération progressive de la rotation interne définie par cet auteur a la fois en valeur absolue moins de 25° de rotation interne  ou  relative différence de 25° de l’arc de rotation total Rotation interne + rotation externe

Parmi les explications de ces disparités on peut avancer plusieurs explications :

  • a quel moment effectuer ces tests de mobilité : à distance du jeu ou du travail physique, après le jeu, après des assouplissements.
  • Comment obtenir les angles : passif pur, passif «  poussé »,
  • Comment mesurer les angles : nécessité de 3 mains !

Cette modification  du schéma articulaire semble d’origine multi factorielle et plusieurs théories sont proposées suivant les écoles :

D’ après  Jobe  les mouvements répétitifs graduellement étirent les éléments ligamentaires et capsulaires antérieurs ce qui   provoquent une instabilité par avancée antérosupérieure de la tête humérale génératrice de conflit sous acromial.

 

D’après  Burkhart la capsule postérieure est le siège de force distractive lors de la fin du mouvement du service. Le muscle infraspinatus qui travaille essentiellement en excentrique dans cette phase freine la rotation interne violente, il se crée alors sur cette partie postérieure un stress anatomique qui aboutit a une fibrose cicatricielle rigide  (Pappas) qui modifie  non seulement la mobilité de l’épaule mais aussi la position du centre de gravité de rotation de l’épaule. Effectivement  en accord avec le concept de O’Brien le ligament glénohuméral inférieur est un élément majeur dans la stabilité postérieur de l’épaule (faisceau antérieur)

Dans l’abduction rotation externe / faisceau postérieur dans  la rotation interne). En cas de stress mécanique, ce ligament ne joue plus son rôle et le centre de gravité se déplace en  position postéro supérieur, élément d’instabilité et d’agression sur le labrum et insertion intra articulaire de l’infraspinatus.

 

Pour être complet il nous faut aussi citer Crokett qui compare 25 joueurs professionnels de baseball pitch ers avec 25 sujets qui n’ont jamais réalisé de sport de lancer .Il mesure la rétroversion humérale  en réalisant un  scanner osseux  sur les bras dominant et trouve 16° de différence entre les deux groupes. Bien entendu  dans ce panel de pitchers on comprend que la rotation externe soit augmentée  au détriment de la rotation interne  et de l’adaptation osseuse de l’humérus en rapport avec le stress mécanique de l’armé et du lancer.

La rétrotorsion humérale ne semble pas dépasser 12 à 15°.

 

Cette limitation des mouvements  de  rotation interne est sûrement multifactorielle. Le travail de l’entretien de la mobilité articulaire est une des questions que l’on se pose  faut il la laisser s’installer comme un phénomène protecteur du jouer de haut  niveau ou il faut lutter contre et demander au jouer d’entretenir une mobilité correcte ?

Il semble que des exercices d’étirements permettent de récupérer rapidement 5 à 15°.KIBLER

 

Pour beaucoup d’auteurs,  ce schéma articulaire limité en rotation est générateur de pathologie et de perte de puissance  Il  parait  logique de lutter  contre cet enraidissement en privilégiant des exercices de mobilité régulièrement. (3, 6,7).

 

 Mesure de la force musculaire des muscles rotateurs internes et externes de l’épaule :

Depuis plus de 10 ans nous testons  la puissance musculaire des muscles rotateurs internes et externes de l’épaule en comparant le coté dominant et non dominant sur appareil Contrex sur le mode concentrique à deux vitesses : 60°/s et 300°/s

 

  • La force musculaire des rotateurs internes est significativement plus forte dans

l’épaule  dominante aux deux vitesses 60°/s et 300°/s.

 

épaule dominante       épaule non dominante

 

60°/s    RI          56.25                        47.11                p inf   0.00001

300°/s    RI          38.26                        32.14                p inf   0.00001

 

 

2         Il n’y a pas de différence de puissance pour les rotateurs externes.

 

3          On trouve une différence significative entre les ratios RE/RI à 60°/s et 300°/s :

Il est inférieur du coté dominant : ceci est un élément pré pathologique.

 

Epaule  dominante     épaule non dominante

 

60°/s   RE/RI            0.59                            0.70              p inf  0.000001

300°/s  RE/RI            0.51                            0.64              p inf  0.000001

 

 

Ce déficit des rotateurs externes nous parait jouer un rôle déterminant dans l’installation

de la pathologie de l’épaule du joueur de tennis professionnel. Dans le mouvement de service après le fouetter ou la rotation interne est violente vers la fin de la  rotation interne, le muscle infraspinatus travaille en excentrique pour freiner celle-ci, c’est probablement dans ce travail qu’il  déclenche des lésions anatomiques minimes au début puis plus importantes avec pour conséquence une augmentation de l’instabilité multidirectionnelle et des lésions intra tendineuses irréversibles du plancher de la coiffe. En échographie de nombreux joueurs  présentent  une pathologie de désinsertion de l’infra spinatus qui correspond tout à fait a une lésion débutante de la face postérieur de la coiffe en excentrique.

Discussion :

La comparaison de la force musculaire de l’épaule est difficile à réaliser  entre les études : population différente, appareil de mesure iso cinétique différent, position de testing différente, vitesse différente. Toute fois  la littérature internationale note cette différence de puissance entre RI et RE chez les joueurs professionnels.   Le ratio RE /RI

Doit se situer autour de 0.7  pour des joueurs en bonne santé sans douleur de l’épaule

(, 3,4 ,5) en dessous il y a un risque d’apparition de pathologie : (7, 11).

Ellenbecker (7) a testé 11 joueuses  avant et après une saison, les RI n’augmentent pas il y a une tendance à la baisse des RE  (non significative). Plusieurs auteurs voient dans la conservation d’une forte puissance des RE un atout pour garder une épaule indolore ce qui correspond à nos résultats.

 

Nous mettons donc en place pour nos joueurs dont le ratio est inférieur à 0.7 des programmes de renforcement spécifique sur l’épaule associant travail des fixateurs de la scapula et des rotateurs externes. Le renforcement des RE en mode concentrique n’est pas recommandé.

 

 

 

 

Conclusion :

 

L’épaule du joueur de tennis professionnel est une articulation qui est agressée par les mouvements répétitifs surtout du service. Il  semble important d’associer un travail spécifique en dehors du tennis  pour la garder en équilibre :

 

  • travail des fixateurs de la scapula
  • entretien des mobilités : conservation de la RI).
  • Conservation d’une force musculaire correcte des rotateurs externes avec un ratio RE/ RI : 0.7

 

 

*   B Montalvan , J Parier , JL Brasseur ,A Gires , C Ceccaldi , M Gaslondes,  P Kahlart .

CNE FFT

 

Bibliographie :

 

1 BEN KIBLER, CHANDLER TJ Effect of age and years of tournament play .Am J Sports Med 24 : 279-285 .1996.

 

2 BURKHART SS, MORGAN, BEN KIBLER The disabled throwing shoulder: spectrum of pathology part II arthroscopy  19:  69 – 74 . 2003.

 

3 CHANDLER TJ, BEN KIBLER W, STRACENER EC, ZIEGLER AK, PACE B

Shoulder strength, power, and endurance in college tennis player Am J Sports Med 20:455-458 1992.

 

4  DAVIES GJ A Compendium of isokinetics in clinical Usage. La crosse WI:Sets Pusblishers 1992

 

5 ELLENBECKER, TS Rehabilitation of shoulder and elbow injuries in tennis players Clin Sports Med  14:87-109 .1995.

 

6 ELLENBECKER TS , ROETERT EP  BAILIE DS ,Glenohumeral joint total rotation range of motion in elite tennis player and baseball pitchers.Med Science in sport exercice 10 :2052-2056; 2002;

 

7 ELLENBECKER TS, ROETERT EP Effects of a 4 month season on glenohumeral joint rotation strength and range of motion in female collegiate tennis players;

Journal of strength and conditioning research 16(1) 92-96 2002.

 

8 IVEY EM, CAHOUN JH, RUSHE K, BERSCHENK J. Normal values for isokinetic testing of shoulder strength Med Sci Sports Exerc 16:127  1984.

 

9  STANLEY A, McGANN R, HALL J, MC KENNA L  Shoulder strength and range of motion in female amateur league tennis player .J orthop Sports Phys Ther   2004 Jul;34(7):402-9

 

10 VAN DER HOEVEN H , KIBLER W B . Shoulder injuries in tennis players Br J Sports Med 40 : 435-440 2006 .

 

11 VAD VB,GEBEH A, DINES D, ALTCHEK D, NORRIS B Hip and shoulder internal rotation range of motion deficits in professional tennis players.J Sci Med Sport.2003Mar;6(1):71-5

 

 

12 WARNER JJP, MICHELI JJ ,KENEDY J  KENEDY R  Patterns of flexibility , laxity and strength in normal shoulders ans souldrs with instability and impigment .Am J Sport Med 18 366 – 375 1990.