
La coiffe des rotateurs
Étude de 150 sujets
PARIER.J, MONTALVAN.B, BRASSEUR. JL, GIRES.A,
HAMON.D, LEGOUX.P, TARDIEU.M, TORDEUR.M
– INTRODUCTION
L’épaule du joueur de tennis est une des articulations les plus sujettes à des syndromes douloureux multiples avec une prédominance sur les lésions des tendons de la coiffe des rotateurs. Dans la population générale les lésions de la coiffe augmentent avec l’âge puisque passé l’âge de 60 ans on retrouve près de 45 % de lésions (14). Dans la population de joueurs seniors que nous allons présenter les ruptures transfixiantes de la coiffe des rotateurs augmentent également nettement passé cinquante cinq ans.
L’évaluation clinique et échographique chez les tennismen seniors a rarement été pratiqué en recherchant à confronter les données fonctionnelles, physiques, échographiques. C’est le but de ce travail qui a cherché à répondre aux questions :
– quel est l’état clinique du bras dominant et quelles sont les détériorations échographiques que l’on peut retrouver ?
– peut-on pratiquer le tennis avec une lésion même importante de la coiffe des rotateurs ?
– quelles sont les lésions anatomiques décelées par échographie, qui semblent responsables d’une symptomatologie douloureuse ?
– MATERIEL ET METHODE
Les championnats de France de tennis vétéran se déroulent chaque année au mois de juillet. Ils regroupent au Stade de Roland Garros à Paris, les meilleurs joueurs et joueuses de leur catégorie d’âge. Il existe alors un rassemblement très important, de près de 600 joueurs et joueuses. La Fédération Française de Tennis a proposé à ceux-ci d’effectuer un check-up gratuit, comprenant un bilan cardiologique et un examen de l’appareil locomoteur incluant les épaules, les coudes et les chevilles. Une étude ultra sonore des deux épaules et des tendons d’Achille, était couplée à ces examens. 150 joueurs et joueuses ont été retenus pour ces différents examens et constituent la base de cette étude transversale. Un interrogatoire détaillé, un examen clinique précis couplé à un examen échographique, ont été effectué, permettant de recueillir de très nombreuses données. 300 tableaux recoupant ces données recueillies, ont été dégagé par un médecin statisticien.
– L’examen clinique
Chaque participant a été soumis à un interrogatoire. Il a été noté systématiquement l’âge, le niveau actuel du joueur et son meilleur classement, le côté dominant, les antécédents, l’évolution dans le temps d’une douleur éventuelle, le coup le plus douloureux, l’utilisation de traitements.
L’examen clinique, a été réalisé en effectuant lors de l’inspection, la recherche d’une éventuelle amyotrophie, en contrôlant les amplitudes des deux épaules, à la fois en antépulsion et en rotation, en effectuant les tests cliniques, visant à évaluer les muscles de la coiffe des rotateurs : test du sus épineux (Jobe), test du sous épineux (en rotation externe coude au corps), test du sous scapulaire (Lift off ou test de Gerber), recherche d’une lésion du long biceps au niveau de la coulisse bicipitale. Des tests de conflit sous acromial ont également été réalisés : test de Hawkins, test de Yocum. (11; 6, 8, 21)
– L’équipe médicale
Elle se composait de 4 médecins cliniciens, habitués à examiner de façon régulière des joueurs de tennis. Le protocole d’examen et d’interrogatoire avait été réalisé, après accord sur une méthode clinique standardisée, les différents tests cliniques avait été définis.
Dans le même temps et sans que soient communiqués les résultats de l’examen clinique, une équipe de 3 médecins échographistes utilisant une machine de type ATL 500 HDI, avec une sonde superficielle linéaire électronique de haute fréquence à larges bandes passantes (5/12 mégahertz) a pratiqué une échographie comparative des 2 épaules brasseur 5. Cet examen a été réalisé sur les lieux mêmes de la compétition, c’est à dire au stade de Roland Garros.
L’échographie a recherché différents paramètres : épanchement intra articulaire au niveau du récessus bicipital, épanchement péri articulaire au niveau des bourses, épaisseur des parois de la bourse sous acromiale, calcifications. L’étude des différents tendons a porté sur : le sous scapulaire, le long biceps, le sus épineux, le sous épineux. Ce sont ainsi 300 tendons de la coiffe des rotateurs qui ont été examinées par échographie.
Le traitement des données recueillies a été effectué par un médecin statisticien (AG)qui a déterminé la moyenne arithmétique et les déviations standards pour chaque items et comparé les résultats entre les différents groupes en utilisant un test T de STUDENT.
– LES RÉSULTATS
A- LE SYNDROME CLINIQUE
– La population
Elle se répartit en 85 hommes, âgés de 35 à 76 ans, dont la moyenne d’âge est située à 57 ans. Et 65 femmes âgées de 35 à 77 ans, avec une moyenne d’âge plus faible de 52 ans.
Chez les hommes, on note 82 % de droitiers avec 2,3 % de revers pratiqués à deux mains. Chez les femmes, on retrouve 82 % de droitières avec 4,6 % de revers pratiqués à deux mains.
– La douleur
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Lors de l’interrogatoire, certains items étaient centrés sur la douleur : recherche d’antécédents, douleur actuelle, retentissement dans la vie courante, arrêt du tennis et sa durée éventuelle, coup du tennis le plus douloureux.
L’absence de douleur a été notée chez près de 45 % des joueurs, au niveau de l’épaule dominante. Ce pourcentage est un peu plus élevé chez les femmes que chez les hommes (36 hommes pour 32 femmes).
Près de 33 % des joueurs et joueuses ont déjà eu mal précédemment et c’est dans 92 % des cas, l’épaule dominante qui a été touchée.
Lors de l’examen, 22 % des joueurs décrivent une douleur (21 hommes pour 10 femmes). Les douleurs sont nocturnes chez 6 d’entre eux, et pour 8, il existe une gêne dans la vie courante.
Parmi les gestes les plus douloureux, le service vient en tête. Il est présent dans 55 % des cas. Le coup droit vient en 2ème position avec 20 % des cas et enfin le revers dans 13 % des cas. C’est nettement le coté dominant ,le plus touché.
– Amyotrophie
L’amyotrophie des fosses sus et sous épineuses, ainsi que le décollement de l’omoplate, ont été systématiquement recherchés.
La fonte de la fosse sus épineuse n’a été retrouvée nettement que dans 3 cas. Dans 2 cas, elle était moins nette et il s’agissait toujours de sujets masculins. Pour le sous épineux, 5 cas formels sont à retenir du côté dominant, 4 hommes présentent une amyotrophie plus modérée.
Le décollement de l’omoplate dont on connaît l’importance et la fréquence chez le joueur de tennis en relation avec une atteinte neurologique(6), a été retrouvé dans 26 cas, du côté dominant et près de 4 fois moins du côté non dominant.
– Les amplitudes articulaires
Les différentes amplitudes de l’épaule ont été examinées : antépulsion, rotation interne, rotation externe. La plus intéressante est sans doute la rotation interne rétro pulsion. Celle ci a été mesurée par appréciation de la distance entre le pouce et l’apophyse épineuse de C7. On constate et cela n’est pas une surprise, que les femmes sont plus souples que les hommes. L’épaule s’enraidit avec l’âge, même si ce n’est pas de manière linéaire(12). La quarantaine semble correspondre à une étape. L’épaule dominante est chez les hommes et les femmes, de manière statistiquement significative plus raide.
/ ROTATION INTERNE + RETROPULSION : Moyenne _ Ecart_type
|
Côté dominant |
Côté non dominant |
Hommes |
m=19,97 Ec-t= 6,12 |
m=16,83 Ec-t= 6,31 |
Femmes |
m=14,55 Ec-t= 5,61 |
m=11,42 Ec-t= 3,86 |
Test statistique : Comparaison de moyennes pour des échantillons appariés
La différence côté dominant/ côté non dominant est significative ( p<0,0001 )
– Les tests cliniques
– Le test de Jobe.
Il s’est révélé , en regroupant hommes et femmes, normal dans 87 % des cas. C’est seulement dans 13 % des cas, soit 19 épaules, qu’il s’est révélé positif. Il n’a été positif que dans 2 cas, lorsque l’on s’adresse à l’épaule non dominante.
Test de Jobe côté dominant
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Jobe –
|
Jobe + |
Totaux
|
Hommes
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70 82,35% |
15 17,65% |
85 |
Femmes
|
61 93,85% |
4 3,15% |
65 |
Totaux
|
131 |
19 |
150 |
Le test de rotation externe coude au corps, isométrique.
Il s’est avéré négatif dans 88 % des cas. Seulement 18 épaules, pour le bras dominant (12 %) présentaient un test positif, et pour le bras non dominant une seule fois.
Test de Rotation externe isométrique côté dominant
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Rotation externe iso –
|
Rotation externe iso + |
Totaux |
Hommes
|
71 83,53% |
14 16,47% |
85 |
Femmes
|
60 92,31% |
5 7,69% |
65 |
Totaux
|
131 |
19 |
150 |
Le test du lift off (test de Gerber).
Il s’est avéré normal dans près de 97 % des cas du côté dominant. Ce n’est que 5 épaules qui ont retrouvé un test positif du côté dominant et une seule fois de l’autre côté.
Test de Gerber côté dominant
|
Gerber –
|
Gerber + |
Totaux |
Hommes
|
82 96,47% |
3 3,53% |
85 |
Femmes
|
63 96,92% |
2 3,08% |
65 |
Totaux
|
145 |
5 |
150 |
B- Les résultats échographiques
L’échographie a permis de distinguer trois groupes de lésions identifiables.
– Une population avec la coiffe intacte
– Une population avec des lésions partielles
– Une population avec des lésions transfixiantes.
– Description
– Les lésions transfixiantes
Comme nous l’avons vu, elles touchaient essentiellement le sus épineux et on retrouvait dans la population des 150 joueurs :
– 35 ans : 0 %
– 45 ans : 3 %
– 55 ans : 18 %
– 65 ans : 30 %
Au delà de 75 ans, aucun cas de rupture transfixiante n’a été noté, dans un groupe restreint de six joueurs dont un avait une rupture partielle de la coiffe.
– Douleurs et constatations échographiques
En ce qui concerne les 70 joueurs (48 % )qui ne présentent aucune douleur et qui n’ont jamais eu mal, on constate que 57 sur 70 présentent une coiffe intacte. Par contre, on note que 11 joueurs sur 70 présentent une rupture partielle, sans jamais avoir eu mal et il en est de même pour 2 joueurs qui présentent une rupture transfixiante.
49 joueurs ont eu des antécédents douloureux. On retrouve 11 ruptures transfixiantes et 9 ruptures partielles.
Parmi les joueurs qui actuellement ne souffrent pas, on retrouve un contingent de 119 joueurs.
– 86 joueurs présentent une coiffe intacte.
– 20 joueurs présentent une lésion partielle.
– 13 joueurs présentent une lésion transfixiante.
Pour les 31 joueurs qui souffrent actuellement mais qui sont capables de jouer au meilleur niveau dans leur tranche d’âge, avec ou sans traitement médicamenteux, 7 présentent une rupture transfixiante, 3 une rupture partielle. ( tableau : état anatomique du tendon du sus épineux et douleurs).
|
Douleurs actuelles31 joueurs ( 20,6% ) |
Antécédents douloureux49 joueurs ( 32,7% ) |
Jamais de douleurs70 joueurs ( 47,7% ) |
Pas de rupture du sus-épineux |
21 ( 67.7 % ) |
29 ( 59.2 % ) |
57 ( 81.4 % ) |
Rupture partielle du sus-épineux |
3 ( 9.7 % ) |
9 ( 18.4 % ) |
11 (15.7 % ) |
Rupture transfixiante du sus-épineux |
7 ( 22.6 % ) |
11 ( 22.4 % ) |
2 ( 2.9 % ) |
– Inspection et constatation échographique
Le petit nombre de joueurs présentant une fonte des fosses sus et sous épineuses, ne permet pas de faire de rapprochement valable avec les lésions échographiques constatées. On ne peut donc pas tirer de conclusion significative.
– Test et constatation échographique
Sur les 107 coiffes, retrouvées intactes lors de l’échographie, on constate que 10 d’entre elles, soit 9,3 % sont douloureuses au test de Jobe.
Sur les 23 lésions partielles, on note que 2 épaules, soit 8,7 % présentent un test de Jobe positif.
Enfin, pour les lésions transfixiantes, le test retrouve sur ces 20 lésions transfixiantes, 7 d’entre elles, soit 35 % qui sont douloureuses.
Ces valeurs ne sont pas statistiquement significatives du fait de la faiblesse des échantillons, car les groupes ont été séparés en test moyennement et fortement positifs. (tableau n°8 bis).
– Test de rotation externe isométrique
Pour les 107 coiffes intactes, on retrouve 6,5 % de positif (7 épaules). En ce qui concerne les 23 lésions partielles, on retrouve 9 % de test positif (2 épaules). Pour les lésions transfixiantes au nombre de 20, on retrouve 50 % de test positif (10 épaules). Test 12 bis.
SENSIBILITÉ – SPÉCIFICITÉ – VALEUR PRÉDICTIVE POSITIVE – VALEUR PRÉDICTIVE NÉGATIVE des tests pour la rupture du SUS-EPINEUX
Rappel des définitions
– Sensibilité : probabilité pour un sujet malade de présenter un signe positif à l’examen clinique.
– Spécificité : probabilité pour un sujet non malade de présenter un signe négatif à l’examen clinique.
– Valeur prédictive positive : probabilité d’être malade pour un sujet présentant un signe positif à l’examen clinique.
– Valeur prédictive négative : probabilité de ne pas être malade pour un sujet présentant un signe négatif à l’examen clinique
1/ Test de Jobe
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RUPTURE TRANSFIXIANTE |
TENDON INTÈGRE OU RUPTURE PARTIELLE |
|
JOBE + |
7 |
12 |
19 |
JOBE – |
13 |
118 |
131 |
|
20 |
130 |
150 |
Se = 7/20 = 0,35 ± 0,21 ( Intervalle de confiance à 95% )
Sp = 118/130 = 0,90 ± 0,05
VPP = 7/19 = 0,36 ± 0,22
( Quand on trouve un JOBE + , il y a 0,36 ± 0,22 % de chance pour qu’il y ait une rupture transfixiante )
VPN = 118/131 = 0,90 ± 0,05
( Quand on trouve un JOBE – , il y a 0,90 ± 0,05 % de chance qu’il y ait un tendon intègre ou une simple rupture partielle)
2/ Test de Rotation externe isométrique
|
RUPTURE TRANSFIXIANTE
|
TENDON INTEGRE OU RUPTURE PARTIELLE |
|
ROT EXT + |
10 |
9 |
19 |
ROT EXT – |
10 |
121 |
131 |
|
20 |
130 |
150 |
Se = 10/20 = 0,50 ± 0,22
Sp = 121/130 = 0,93 ± 0,07
VPP = 10/19 = 0,52 ± 0,23
(Quand on trouve un test de rotation externe isométrique + , il y a 0,52 ± 0,23 % de chance pour qu’il y ait une rupture transfixiante )
VPN = 121/131 = 0,92 ± 0,05
(Quand on trouve un test de rotation externe isométrique – , il y a 0,92 ± 0,05 % de chance qu’il y ait un tendon intègre ou une simple rupture partielle)
– Élévation antérieure
La douleur n’est présente, pour les lésions transfixiantes, que dans 15 % des cas (3 épaules) et jamais dans les lésions non transfixiantes.
Il y a 2 % de faux positif.
La douleur a l’élévation latérale retrouve des chiffres équivalents.
– Long biceps
Sur les 150 joueurs, 8 présentaient une rupture du long biceps, soit 5 % des cas, toujours du côté dominant, avec la même fréquence chez les hommes que chez les femmes. Ces ruptures surviennent principalement après 60 ans, puisqu’on retrouvait :
– 55 ans : 1 cas
– 65 ans : 5 cas
– 75 ans : 2 cas.
Parmi celles-ci, 5 lésions étaient indolores. Elles s’accompagnaient de 3 lésions transfixiantes et 2 lésions partielles. Seulement 3 étaient douloureuses. Parmi celles-ci, 1 présentait une lésion transfixiante et 2 ne présentaient pas de lésion de coiffe.
Enfin, à noter qu’une rupture du long biceps est restée cliniquement muette et qu’on note également 2 cas de subluxation du long biceps du côté dominant.
– Les autres résultats échographiques
– L’épanchement intra articulaire est rare, il touche 6 % des joueurs, il augmente avec l’âge. Il et un peu plus fréquent du côté dominant.
– L’épanchement extra articulaire est un peu plus fréquent, il touche près de 8 % des cas. Il ne touche que le bras dominant, augmente avec l’âge.
– L’épaississement de la bourse sous acromiale est 3 fois plus fréquent du côté dominant. Elle représente 20 % des joueurs. Cette épaisseur ne varie pas avec l’âge. Elle est de manière significative plus fréquente, chez les joueurs ayant des antécédents douloureux (35 %).
– Les calcifications du sus épineux sont retrouvées dans près de 35 % des cas, soit 56 joueurs dont 36 hommes et 20 femmes. Elles sont plus fréquentes chez l’homme et du côté dominant. Leur relation avec des douleurs passées ou présentes ne semble pas établie.
– DISCUSSION
– LA POPULATION
Une première remarque est nécessaire concernant la population retenue pour l’étude à la fois clinique et échographique des joueurs de tennis. Seulement 150 joueurs ont été sélectionnés sur les 600 qui participaient à ces championnats. Ces joueurs de bon et de haut niveau, puisqu’ils sont les meilleurs français dans leur catégorie d’âge, ont répondu spontanément à une convocation. Ce sont les 150 premiers qui ont été sélectionnés. On peut supposer que ce sont les plus motivés qui ont répondu à la convocation, qui comportait également un volet cardio vasculaire. De plus, tous les joueurs blessés qui ne pouvaient participer au championnat étaient naturellement exclus de cette étude, puisqu’ils n’étaient pas présents sur le lieu de la compétition.
En ce qui concerne le sexe, la répartition est relativement homogène, puisqu’il y a dans cette étude 85 hommes et 65 femmes. Par contre, la répartition des âges est à l’évidence déséquilibrée, dés qu’on s’adresse à la tranche des + de 75 ans. Nous avons en effet 6 joueurs de cet âge et donc toutes les études concernant les joueurs de + de 75 ans n’ont pas de valeur statistique significative.
– ASPECTS TECHNIQUES
Il est intéressant de noter que le pourcentage de gauchers est de 18 % chez les hommes, 9 % chez les femmes. On sait parfaitement que dans les sports tels que le tennis ou l’escrime, les gauchers sont relativement sélectionnés. Il existe environ 5 % de gauchers exclusifs dans la population tout venant. Chez les joueurs de tennis, parmi les 200 meilleurs joueurs de tennis au monde, on comptait en 1990 17 % de gauchers , parmi les 25 meilleurs ce pourcentage montait à 24 % et il atteignait 40 % chez les 10 meilleurs.(1)
Le pourcentage de revers effectués à deux mains, paraît tout à fait ridicule. On est à moins de 3 % chez les hommes et à moins de 5 % chez les femmes. Ces chiffres extrêmement bas, par rapport au tennis moderne, s’expliquent par le fait que c’est l’avènement de BORG qui a développé ce revers à deux mains et les joueurs sélectionnés dans cette étude étaient alors trop âgés pour modifier leur technique. En effet, en 1999, chez les meilleurs joueurs du monde, 65 % des joueurs effectuaient leur revers à deux mains.
Lors de l’interrogatoire, on constate que c’est le geste du service qui est nettement le geste le plus douloureux. Cela paraît tout à fait logique, compte tenu des amplitudes, de la force et de la vitesse développée lors de ce coup. On est plus étonné de voir que c’est ensuite le coup droit qui est le geste le plus douloureux et qu’il précède le revers. Il faut se rappeler que le revers est fréquemment douloureux, mais c’est au niveau du coude, en particulier dans la pathologie du tennis elbow.
– ÉLÉMENTS CLINIQUES
L’amyotrophie de la fosse sus épineuse est extrêmement difficile à affirmer. En effet, le sus épineux, masqué par le trapèze est profond. Son amyotrophie reste donc relativement subjective, sauf s’il existe une fonte majeure. La fonte de la fosse sous épineuse paraît plus facile à déterminer, surtout si elle est importante.
Le décollement de l’omoplate, recherché systématiquement dans cette étude, est lui aussi délicat à affirmer dans la mesure où il reste modéré. Seulement 7,5 % des cas ont été retrouvés. Les causes de décollement de l’omoplate sont multiples (17). Par ailleurs, en l’absence d’électromyogramme, le parallélisme entre décollement de l’omoplate modéré et la lésion plus ou moins importante du nerf du grand dentelé est tout à fait aléatoire.
– INTÉRÊT ET FIABILITÉ DE L’ÉCHOGRAPHIE
Une partie des résultats de notre étude s’appuie sur des examens échographiques. La fiabilité de l’échographie, lors des ruptures transfixiantes de la coiffe des rotateurs, paraît établie par différents auteurs (5, 10, 19, 20). Les auteurs estiment que la fiabilité dépasse les 95 % pour ce type de lésion. Il faut alors, et ces deux critères étaient respectés, avoir un échographiste entraîné dans cette étude, ils étaient 4 et un matériel haut de gamme.
Les ruptures du sus épineux, pour être considérées comme transfixiantes, devaient répondre à des critères échographiques bien précis : zone anéchogène traversant l’épaisseur tendineuse, disparition de la coiffe réduite à une capsulo bourse de moins de 3 mm d’épaisseur, ou discontinuité brutale du versant superficiel, normalement convexe du tendon. Les ruptures transfixiantes mesuraient en moyenne 1,5 sur 1,5 cm, elles étaient localisées sur le tendon du sus épineux. Par ailleurs, le tendon du sous épineux n’était jamais le siège de lésion importante dans cette étude.
Les ruptures partielles étaient définies suivant les critères précis(20) : zone anéchogène ne traversant pas toute l’épaisseur tendineuse ou atteinte hypoéchogène focale centrée d’une ponctuation hyper échogène centrale et associée à une irrégularité de la corticale trochitérienne. C’est essentiellement dans cette étude le versant articulaire du sus épineux qui est touché et ceci dans près de 95 % des cas.
– LES AMPLITUDES ARTICULAIRES L’étude des amplitudes articulaires reste un examen très intéressant, dans la mesure où il est facilement reproductible par différents examinateurs et il souffre peu de contestation. L’élévation antérieure est effectuée en position couchée et la rotation interne permet avec un centimètre, de bien mesurer la distance C7/pouce. Les diminutions d’amplitudes au cours de l’âge et de la pratique sportive, restent modérées. Cette perte progressive de la rotation et en particulier de la rotation interne, a été bien notifiée (12)
– LES TESTS CLINIQUES
Le test de Jobe a été transformé, puisqu’il s’agit à la base d’un test destiné à explorer la qualité du tendon du sus épineux (16). Dans ce cas particulier, la douleur a été également recherchée. La technique d’examen a par contre été parfaitement respectée : bras à 90° dans le plan de l’omoplate, rotation interne, appui puissant de l’examinateur.
La confrontation clinique et échographique des tests tel que nous en avons défini les modalités, est décevant. On retrouve en effet 10 % de faux positif. C’est au niveau des lésions partielles que le test est le moins contributif, car on note seulement sur 23 lésions partielles, 2 épaules soit 8,7 % qui présentent un test de Jobe positif.
Pour les lésions transfixiantes, le test semble un peu plus fiable, puisque sur les 20 lésions transfixiantes retrouvées lors de l’échographie, on constate que 7 d’entre elles, soit 35 %, sont douloureuses lors de ce test. Il faut cependant retenir que ces valeurs ne sont statistiquement pas significatives, du fait de la faiblesse des échantillons, car les groupes ont été séparés en test moyennement et fortement positif. On peut sans doute noter, comme cela était décrit à l’origine, qu’il faut utiliser le test de Jobe comme un test de force. Ces donnée recoupent la littérature : NOËL (15) retrouve 90 % de sensibilité pour la force lors de ce test, et LEROUX(13) 80 %.
– Le test de rotation externe coude au corps.
Pour les 107 coiffes intactes, on retrouve 6,5 % de faux positif.
En ce qui concerne les 23 lésions partielles, on retrouve 2 tests positifs, soit 9 %.
Pour les lésions transfixiantes, 10 tests sont positifs, soit 50 %.
Là encore, il n’y a pas de véritable valeur significative de ces chiffres, compte tenu de l’échantillonnage.
Certains (9) estiment que ce test explore de façon précise la coiffe postéro supérieure. Lorsqu’il est positif, la coiffe est lésée dans 100 % des cas et s’il est négatif , il est prédictif dans 56 % des cas. En ce qui concerne les mouvements d’élévation antérieure ou latérale, il ne semble pas très significatif pour prédire s’il existe ou non une lésion de coiffe.
Le test du lift off ou test de Gerber est habituellement normal. Dans les ruptures transfixiantes, il s’est toujours avéré négatif.
Les lésions du long biceps sont retrouvées, comme cela est noté dans la littérature, principalement après 50 ans(16). Elles sont habituellement liées à des lésions transfixiantes des rotateurs.
Les lésions transfixiantes de la coiffe.
La répartition des lésions de la coiffe des rotateurs en fonction de l’âge, retrouvée dans cette étude, recoupe relativement bien la littérature. Il est intéressant de la rapprocher d’une étude (14), qui concerne des patients asymptomatiques. L’étude échographique portait sur 90 sujets et il a retrouvé suivant les tranches d’âge, des lésions transfixiantes modérées :
– De 30 à 39 ans : 4 %
– De 40 à 49 ans : 10 %
– De 50 à 59 ans : 30 %
– De 60 à 69 ans : 45 %
– De 70 à 79 ans : 65 %.
Une autre étude (18), pratiquée avec une IRM sur 96 cas, retrouve des lésions transfixiantes dans les tranches d’âge 40/60 ans dans 4 % des cas et à plus de 60 ans dans 28 % des cas.
– CONCLUSION
Au terme de l’ évaluation clinique et échographique réalisée au près de 150 joueurs de tennis seniors, les meilleurs de leurs catégories d’age en France durant l’année 1998, voici nos conclusions :
Sur le plan clinique la douleur est dix fois plus fréquente au niveau du bras dominant. Les amplitudes articulaires sont plus raides du côté dominant. Nous observons cliniquement un décollement de l’omoplate quatre fois plus fréquent du côté dominant.
Sur le plan échographique, la détérioration de la coiffe touche essentiellement le tendon du sus épineux.. La répartition des lésions transfixiantes du sus épineux se fait ainsi : exceptionnelle avant 45 ans, elle passe à 18 % à 55 ans, et à 30 % à 65 ans.
Lorsque l’on confronte douleur en jouant et échographie, on observe que sur 20 lésions transfixiantes du sus épineux 13 jouent sans douleur,7 jouent avec douleur.On peut pratiquer le tennis à un haut niveau senior avec une lésion transfixiante de la coiffe, dans notre série 13 % des joueurs présentent cette lésion transfixiante du sus épineux.
BIBLIOGRAPHIE
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2 – BRASSEUR JL, TARDIEU M, TORDEUR M, PARIER J , GIRES A, LEGOUX P, MONTALVAN B : Echographie de la coiffe des rotateurs du sportif vétéran in Monographie d’imagerie ostéo-articulaire de la Pitié-Salpétrière : B Roger, P Thelen, JL Brasseur Sauramps Medical Montpellier ; 2000 : 97-103
3 – BRASSEUR JL, TARDIEU M : Echographie du système locomoteur. Masson Ed 1999,87-118
4 – DAUBINET G., RODINEAU J., La pathologie neurologique microtraumatique du membre supérieur du joueur de tennis.In Pathologie du membre supérieur du joueur de tennis ,Masson Ed. Paris, 1986,pp.39-53
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